Engagée dans les mouvements féministes et LGBTQI depuis une quinzaine d’années, Cécile Chartrain a notamment co-fondé l’association Les Dégommeuses, qui lutte contre le sexisme et la lesbophobie en milieu sportif. Elle travaille actuellement sur des programmes internationaux de soutien aux femmes et aux minorités sexuelles, dans une association de lutte contre le sida. “Je suis entrée dans le militantisme lesbien à Rennes, grâce à mes recherches universitaires. Si je suis parvenue à mettre en adéquation mon parcours professionnel et mon engagement féministe et lesbien, j’ai aussi expérimenté combien ce type de choix pouvait conduire à la précarité. Aujourd’hui, je pense que chercheuses, artistes ou leaders associatives, nous avons besoin de plus de moyens financiers pour donner le meilleur de nous-mêmes et faire avancer le monde – autant que nous pouvons y croire. Je vois la LIG entre autres comme un outil de redistribution entre Paris et la province et de solidarité internationale.”
L’interview
– Qui es-tu ?
Une meuf. Gouine. Footballeuse. Militante. Féministe. Fière. Reconnaissante des actions et des œuvres formidables qu’ont accomplies ses aînées. Qui essaye d’apporter sa contribution à la prolongation de ce matrimoine.
– Pourquoi t’es-tu engagée dans la création de la LIG ? Quel a été ton moteur ?
Un petit goût de revanche. Il renvoie au constat que nous – lesbiennes – avons beaucoup donné à différents mouvements sociaux (féministe, antisida, LGBTQI…) sans y trouver toujours la solidarité, l’équité et la reconnaissance qu’on aurait pu escompter. Avec les cofondatrices de la LIG, nous avons aussi réalisé que si nous ne prenions pas les choses en main nous-mêmes, l’argent n’arriverait jamais jusqu’aux projets qui nous tiennent à cœur ou alors dans des proportions ridicules par rapport aux besoins. J’éprouve du plaisir dans cet agir par soi-même et pour soi-même. Il y a aussi un enjeu de visibilité important… Les bailleurs et les institutionnels nous méprisent ; on nous prie d’édulcorer nos demandes ou de nous justifier dès qu’il y a des velléités de projets ciblés et d’espaces non mixtes ? Répondons par une initiative dont le nom même rétablit une vérité historique, tout en assumant la défense de nos particularismes !
– Quel est le projet le plus fou/le plus ambitieux/le plus utile que tu aimerais soutenir ?
J’espère que d’ici quelques années des milliers de personnes seront convaincues de l’intérêt de la LIG et que, goutte après goutte, nous pourrons nous atteler au financement de projets aussi coûteux et nécessaires que la construction de maisons communautaires où les lesbiennes pourront vieillir heureuses, en continuant à s’aimer et à s’animer pour les discussions politiques, le féminisme, la transmission des cultures lesbiennes et queer. Je souhaite aussi que ce fonds de dotation serve la redistribution du pouvoir et des richesses au sein de nos communautés et qu’il valorise des projets intersectionnels.
– Quel message as-tu envie de faire passer aux lesbiennes ?
You rock ! – Vous déchirez !
– Qu’as-tu appris depuis la création de la LIG ?
Que le niveau de richesse ne détermine pas celui de la générosité… mais en fait, je le savais déjà ! 😉 Plus sérieusement, j’ai vraiment l’impression que cette initiative était attendue et qu’elle va pouvoir répondre aux besoins de personnes précaires, d’activistes ou d’artistes en galère, en s’appuyant sur le désir de transmission et de partage qu’ont de nombreuses lesbiennes, et ce quels que soient leurs moyens financiers. La LIG débute avec des ressources limitées, on espère qu’elle va grandir, mais ça ressemble déjà à une jolie boucle !