Lesbiennes d’Intérêt Général. C’est le nom que nous avons choisi de donner au premier fonds de dotation féministe et lesbien destiné à financer des projets par les lesbiennes, pour les lesbiennes. Nous avons donc découvert avec surprise, mardi 3 octobre, que pour le Conseil d’État, être lesbienne n’est pas d’intérêt général. Tout dans notre histoire, dans l’histoire des lesbiennes, nous montre le contraire.
Avis au Conseil d’État : Nous sommes toutes des Lesbiennes d’intérêt général !
Le Conseil d’État s’est arrogé les pouvoirs du Conseil constitutionnel dans sa décision rendue publique le 3 octobre, où il juge qu’au regard de la procréation médicalement assistée (PMA), les couples de lesbiennes seraient dans une « situation différente » des femmes hétérosexuelles vivant en couple hétérosexuel. Et donc, réserver la PMA aux couples hétérosexuels ne serait pas une rupture du principe d’égalité. Car, toujours selon le Conseil d’État : « Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général ». En d’autres termes, réserver la PMA à des couples hétérosexuels ne serait pas discriminatoire, puisque les couples de lesbiennes désirant avoir recours à une PMA ne relèvent pas de l’intérêt général.
Le Conseil d’État juge ainsi qu’il est conforme à ses principes de permettre d’exercer une double discrimination envers les lesbiennes. Les lesbiennes sont discriminées en raison de leur «situation différente », c’est-à-dire de leur orientation sexuelle, qui les exclut de la PMA, et par dessus le marché, qui exclut également leur désir d’y recourir de « l’intérêt général ». En d’autres termes, nous ne sommes pas « d’intérêt général » en raison de notre orientation sexuelle.
Or, c’est bien pour entériner la présence des lesbiennes dans le corps social et accroître notre visibilité que nous avons décidé, en mars 2016, de constituer le fonds de dotation Lesbiennes d’Intérêt Général-La LIG. Il ne s’agissait pas d’une boutade, ni d’un calembour autour d’un acronyme, mais bien d’une déclaration : nous sommes ici, nous sommes lesbiennes et nous comptons dans la société.
À quel point ?
Au point que l’intérêt général des lesbiennes figure en lettres capitales dans les statuts de la LIG, validés et enregistrés par la préfecture de Paris-Île-de-France et publiés au Journal officiel. Au point que la LIG réunit les trois critères qui déterminent l’intérêt général aux yeux de l’administration fiscale : activité non lucrative + gestion désintéressée + ne pas fonctionner au profit d’un cercle restreint (= activités accessibles à toute personne susceptible d’être intéressée). En conséquence, chaque don à la LIG ouvre à une réduction d’impôts sur le revenu.
Au point que la LIG a déjà pu financer une quinzaine de projets, grâce aux lesbiennes et leurs allié·es qui, dans la mesure de leurs moyens, soutiennent les actions du fonds, et grâce aux lesbiennes qui décident de déposer un projet.
Au point que le nom du fonds de dotation, Lesbiennes d’Intérêt Général, vient d’être repris comme mot d’ordre par une organisation féministe nationale dans sa récente campagne pour l’ouverture de la PMA à toutes les femmes.
Nous ne sommes pas une « situation différente », nous sommes actrices de notre société.
Nous sommes toutes des Lesbiennes d’Intérêt Général.
Catherine Facerias, Elisabeth Lebovici, Suzette Robichon
Membres fondatrices de la LIG